Jean L'Hour, «Ré’shît et beré’shît encore et toujours», Vol. 91 (2010) 51-65
Prenant le relais d’une étude récente du premier mot de la Bible l’auteur développe son argumentation en faveur d’une signification concrète du mot ré’shît au sens de premier produit. L’examen du vocabulaire dans la Bible le conduit à voir dans l’usage cultuel et concret de ce terme le vivier où a puisé l’auteur de Genèse 1,1 pour formuler sa confession de foi en exergue du récit de la création et en programme de Torah — Loi et Histoire — pour les humains et pour Israël.
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de droit à Dieu et doivent donc lui être consacrés sous forme d’offrandes.
Ces occurrences ne posent aucun problème exégétique et ne nécessitent
donc pas un examen détaillé. Sans doute convient-il de rattacher à ces
emplois deux occurrences qui, tout en comportant une part de métaphore,
s’inscrivent clairement dans le même champ cultuel:
Jr 2,3: “Israël est le bien sacré de YHWH, prémices de sa récolte. Tous
ceux qui le mangent devront le payerâ€. Israël est le premier produit de
l’action de YHWH et, à ce titre, tout comme les prémices des récoltes ou du
croît du bétail, il appartient exclusivement (“bien sacréâ€) à YHWH et ne
peut lui être soustrait 17. Le champ sémantique est clairement celui du culte
comme l’attestent le substantif “bien sacré†et le verbe “mangerâ€.
Ez 48,14: “Ils ne pourront rien vendre [du territoire des lévites] ni
échanger et ils ne pourront pas aliéner les prémices du pays car c’est le bien
sacré de YHWHâ€. Ces “prémices du pays†sont-elles les premiers produits
du territoire destinés à être offerts à YHWH? Ou bien est-ce le territoire lui-
même des lévites qui est prémices, premier produit, de tout le pays
d’Israël ? Nombre de versions, à commencer par la LXX et la Vulgate,
demeurent dans l’ambiguïté et se contentent de traduire “les prémices du
pays †18. Certaines comprennent “les prémices du sol’ comme désignant les
produits agricoles du pays 19. D’autres enfin voient dans “les prémices du
pays †tout le territoire dévolu aux lévites 20. Les versions qui font du
domaine des lévites les “prémices†du pays d’Israël semblent bien les
mieux étayées. D’une part, en effet, le contexte traite de transactions
foncières et non de transactions sur les produits du pays. Par ailleurs,
l’appartenance à YHWH seul de toutes les prémices végétales et animales
du pays concerne de droit le territoire d’Israël tout entier et non seulement
le territoire des lévites. D’autre part, le terme “pays†désigne, dans
l’ensemble du chapitre, la totalité des territoires dévolus aux tribus d’Israël.
Le fait que beaucoup de traductions donnent au mot ré’shît le sens symbo-
lique de “meilleure part†s’explique sans doute par le fait qu’un territoire
(“ first-processed â€) et non des premiers produits bruts (bikkûrîm, “first-ripeâ€).
Telle est l’opinion, bien argumentée, de J. MILGROM, Leviticus (AB 3 ; Garden
City, NY 1991) 190-191. Il arrive cependant que ré´shît et bikkûrîm soient
parfois traités comme synonymes.
Traduction BJ. En général, les citations bibliques sont des traductions de
17
l’auteur.
Luther, Elberfelder, KJ, ASV .
18
OST, Douay, TOB.
19
JPS, RSV REB, Osty, Eichrodt (ATD). A ma connaissance seules Ã
,
20
garder le sens concret de “prémices†sont la Bible du Semeur (“Ce domaine
constitue les prémices du pays, il est propriété sainte de l’Eternelâ€), et SGD
2004 (“On ne pourra ni échanger ni aliéner ces prémices du paysâ€).