Jean L'Hour, «Ré’shît et beré’shît encore et toujours», Vol. 91 (2010) 51-65
Prenant le relais d’une étude récente du premier mot de la Bible l’auteur développe son argumentation en faveur d’une signification concrète du mot ré’shît au sens de premier produit. L’examen du vocabulaire dans la Bible le conduit à voir dans l’usage cultuel et concret de ce terme le vivier où a puisé l’auteur de Genèse 1,1 pour formuler sa confession de foi en exergue du récit de la création et en programme de Torah — Loi et Histoire — pour les humains et pour Israël.
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bienfaits 28. La sagesse est bien la source de tout et son premier produit est
la crainte de YHWH.
Plus tard le Siracide s’attachera à intégrer la sagesse dans l’histoire de
la révélation, et le tout premier verset du livre affirme d’ailleurs sans
ambages que “toute sagesse est de YHWH†29 et dès lors inscrite dans le
cadre de la révélation (Si 1,6-9). Si, comme en Pr 8,22, la sagesse est créée
première par lui avant toutes choses (Si 1,4), la “crainte du Seigneurâ€
(vv. 11-20) devient toutefois le “commencement / fondement / principeâ€,
“ l’accomplissement â€, “la couronne et ‘la racine’†de la sagesse et prend
ainsi le pas sur elle. La séquence logique relevée dans les Proverbes est
inversée, comme en témoigne 1,26-27: “Désires-tu la sagesse? Garde les
commandements. La crainte du Seigneur en effet est sagesse et instruc-
tion â€. Très nettement, le Siracide se place dans une théologie de la révéla-
tion où la crainte de YHWH est la source de tout et tente d’effacer toute
dualité possible entre la tradition yahviste et la tradition sapientielle 30.
Plus difficile est le verset un peu énigmatique de Pr 4,7: ré’shît
hokmah q eneh hokmah. Ce verset est omis dans la LXX et serait peut-être
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une glose explicative postérieure à la traduction grecque 31. En donnant Ã
ré’shît le sens concret de premier produit comme le suggère le vocabulaire
d’acquisition (qanah), la signification paraît simple: le premier produit,
résultat ou effet de la sagesse est d’en acquérir encore davantage et, au
terme, d’acquérir l’intelligence.
Reste enfin à expliquer Pr 17,14: pôter mayim ré’shît madôn. Ce texte
pose un double problème, syntaxique ˙ et lexical. La quasi-totalité des
traductions consultées font de ré’shît madôn le sujet de la proposition et de
pôter mayim le prédicat. Elles traduisent en outre ré’shît par un mot abstrait
et Ë™temporel: “commencement†ou “commencerâ€. Cela donne, à quelques
variantes près, la traduction suivante: “Commencer une dispute c’est ouvrir
une digueâ€, l’équivalent en somme de notre proverbe “Qui sème la
Jb 28,28 se contente d’établir une équation entre sagesse et crainte du
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Seigneur : “la crainte du Seigneur, c’est elle la sagesseâ€.
Dans la LXX le mot kyrios traduit le tétragramme de l’hébreu et désigne
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par conséquent le Dieu de la révélation. C’est l’appellation courante dans le
Siracide (plus de 200 fois), le mot theos étant beaucoup moins fréquent
(environ 25 fois) et généralement soit accollé ou en parallèle à kyrios, soit dans
l’expression “Dieu très hautâ€.
On peut d’ailleurs se demander si la “stratégie†yahviste du Siracide ne
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rejoint pas celle, plus globale, de la Septante et, à travers elle, la stratégie inter-
prétative des traducteurs de Pr 1,7 et Ps 111,10. Selon cette théologie, la sagesse
ne pouvait être la source de la “crainte de YHWH†et devait au contraire en être
la résultante.
Voir l’explication de D.-M. D’HAMONVILLE, La Bible d’Alexandrie 17
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(Paris 2000) 182-183.