Jean L'Hour, «Ré’shît et beré’shît encore et toujours», Vol. 91 (2010) 51-65
Prenant le relais d’une étude récente du premier mot de la Bible l’auteur développe son argumentation en faveur d’une signification concrète du mot ré’shît au sens de premier produit. L’examen du vocabulaire dans la Bible le conduit à voir dans l’usage cultuel et concret de ce terme le vivier où a puisé l’auteur de Genèse 1,1 pour formuler sa confession de foi en exergue du récit de la création et en programme de Torah — Loi et Histoire — pour les humains et pour Israël.
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4. Emplois métaphoriques: “premiersâ€, “meilleursâ€, “principaux†(5) 34
Dans cinq autres textes le sens de ré’shît fluctue entre temporalité,
valeur et, peut-être, produit. C’est le cas, semble-t-il de Nb 24,20, bien que
son interprétation ne soit pas exempte de difficulté. Le verset est couram-
ment traduit: “Amaleq première des nations, mais son avenir c’est la
ruine â€. Le texte est caractérisé par le binôme antithétique ré’shît -’aharît et
ressemble de ce fait aux emplois temporels déjà signalés. Toutefois˙ré’shît
comporte en outre, et peut-être d’abord, une nuance de primauté, de supé-
riorité : “première des nationsâ€. Les Amalécites, ligue de nomades dans le
sud de la Cisjordanie, sont les ennemis traditionnels d’Israël au début de
l’installation en Canaan. A ce titre, ils sont à la fois les premiers et les plus
importants 35.
En Dt 33,21, Gad est dit “s’être réservé le ré’shît car là est la part du
commandant †36. Pour Driver 37 et la majorité des interprètes il serait fait
allusion à l’attribution à Gad d’un territoire de choix, “digne d’un chef
martial â€, en Transjordanie, avant même l’entrée en Canaan et au fait que
Gad s’est associé aux autres tribus pour l’achèvement de la conquête
(Nb 32 ; Jos 13). Selon Seebass, ce verset serait une note davidique
reconnaissant à Gad le mérite d’avoir hébergé David fuyant Absalom
(2 S 17,24.27 ; 19,33). Quoi qu’il en soit, le terme ré’shît aurait ici le
double sens de “première†part et de “meilleure†part. Le fait aussi qu’il
s’agit d’une part “réservée†évoque l’usage cultuel du terme.
Dans l’oracle de Jérémie sur Elam (Jr 49,35) YHWH prononce cette
parole : “Je vais briser l’arc d’Elam, le ré’shît de sa forceâ€. La traduction
généralement choisie donne au mot ré’shît le sens de “meilleurâ€. Par
ailleurs l’expression rappelle les “prémices de sa virilité†en Gn 49,3 et
Dt 21,17, et c’est peut-être pour cette raison que la TOB traduit “le meilleur
de sa force virileâ€. L’accent paraît cependant porter sur la valeur plutôt que
sur la priorité temporelle.
Nb 24,20; Dt 33,21; Jr 49,35; Am 6,1; Dn 11,41.
34
B.A. LEVINE, Numbers 21-36 (AB 4A; Garden City, NY 2000) 204:
35
“ Hebrew ré´shît connotes the first in time, and the first in status, and this
semantic range informs the interpretation of the prophecy: Amalek, an ancient
nation, the first encountered by the Israelites in battle, was once powerful and
numerous, but was ultimately done inâ€.
S.R. DRIVER, A Critical and Exegetical Commentary on Deuteronomy
36
(ICC ; Edinburgh 31951) 411; H. SEEBASS, “Die Stämmeliste von Dtn. XXXIII â€,
VT 27 (1977) 158-169, spécialement 162-164. L’auteur traduit “la part du
commandant caché†et non “la part cachée/réservée du commandantâ€. Le
“ commandant caché†ne serait autre que David en fuite loin d’Absalom au-delÃ
du Jourdain (2 S 17,24.27; 19,33).
DRIVER, Deuteronomy, 410-411.
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