Jean L'Hour, «Ré’shît et beré’shît encore et toujours», Vol. 91 (2010) 51-65
Prenant le relais d’une étude récente du premier mot de la Bible l’auteur développe son argumentation en faveur d’une signification concrète du mot ré’shît au sens de premier produit. L’examen du vocabulaire dans la Bible le conduit à voir dans l’usage cultuel et concret de ce terme le vivier où a puisé l’auteur de Genèse 1,1 pour formuler sa confession de foi en exergue du récit de la création et en programme de Torah — Loi et Histoire — pour les humains et pour Israël.
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RÉ’SHÎT ET B eRÉ’SHÎT ENCORE ET TOUJOURS
convaincante. Par ailleurs la célébration d’un Nouvel An à Jérusalem sur le
modèle assyro-babylonien et dont Gn 1,1 serait un “texte liturgique†reste
encore à démontrer.
Il est un autre texte qui présente la même formulation qu’en Jérémie. Il
se trouve dans l’histoire de Nimrod insérée dans la Table des Nations de
Gn 10, aux versets 8-12. Il y est écrit que Nimrod, fils de Kush,
“ commença/fut le premier à être un puissant/potentat, héros sur la terre/le
pays et le commencement de son règne/royaume (ré’shît mamlaktô) fut
Babel ...â€. Outre les nombreuses questions que pose ce récit 12 communé-
ment attribué à J, il suffit pour notre propos de noter que, comme Speiser,
Levin opte pour un prototype historique 13. Levin observe très justement,
malgré les incertitudes liées à quelques toponymes, que le contexte fait
nettement référence à une marche-conquête depuis Shinear/Sumer au sud
vers l’Assyrie au nord et non l’inverse comme dans l’hypothèse de Speiser
et, logiquement, il conserve la traduction commune “au commencement de
son règneâ€. La probabilité du sens temporel de l’expression paraît en outre
confirmée par les parallèles formels de Jérémie sur le modèle babylonien.
On peut toutefois se demander si, comme observé par Rudolph en Jr 28,114,
l’expression n’a pas perdu le sens technique de resh sharruti. Resterait
donc le sens général de “commencementâ€.
2. Les emplois cultuels: les prémices offertes dans le culte (22) 15
20 fois le mot est un terme technique employé dans un contexte cultuel
pour désigner les prémices, les premiers produits agricoles 16 qui reviennent
Toponymes, prototype (mythique ou historique) de Nimrod, correction
12
par Albright de w ekalneh en w ekullana, sujet de yaça’, lien entre Kush
(Ethiopie) et la Mésopotamie du sud, liaison rédactionnelle avec la Table des
Nations P, hypothèse d’un récit épique utilisé par J. Voir l’état de la question et
la bibliographie dans: Y. LEVIN, “Nimrod the Mighty, King of Kish, King of
Sumer and Akkadâ€, VT 52 (2002) 350-366.
“ un équivalent hébreu composite de la dynastie Sargonide†(23ème siècle
13
B.C.) selon LEVIN, “Nimrodâ€, 366; Tukulti-Ninurta I, roi d’Assyrie (13ème
siècle B.C) selon Speiser, qui fait du “Nimrod†assyrien le conquérant de
Sumer et traduit ré’shît mamlaktô par “the mainstays of his kingdomâ€. Cf.
E.A. SPEISER, Genesis (AB 1; Garden City, NY 1964) 67; ID., “In Search of
Nimrod â€, Oriental and Biblical Studies. Collected Essays of E.A. Speiser (eds.
J.J. FINKELSTEIN – M. GREENBERG) (Philadelphia, PA 1967) 41-52.
RUDOLPH, Jeremia, 162.
14
Ex 23,19; 34,26; Lv 2,12; 23,10; Nb 15,20.21; 18,12; Dt 18,4(bis) ;
15
26,2.10 ; 1 S 2,29; 15,21; Jr 2,3 ; Ez 20,40 ; 44,30 (bis); 48,14; Pr 3,9 ; Ne 10,38 ;
12,44 ; 2 Ch 31,5.
Plus précisément il s’agit sans doute des premiers produits manufacturés
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