Jean L'Hour, «Ré’shît et beré’shît encore et toujours», Vol. 91 (2010) 51-65
Prenant le relais d’une étude récente du premier mot de la Bible l’auteur développe son argumentation en faveur d’une signification concrète du mot ré’shît au sens de premier produit. L’examen du vocabulaire dans la Bible le conduit à voir dans l’usage cultuel et concret de ce terme le vivier où a puisé l’auteur de Genèse 1,1 pour formuler sa confession de foi en exergue du récit de la création et en programme de Torah — Loi et Histoire — pour les humains et pour Israël.
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qui fut “ré’shît hatta’t de la fille de Sion†23. La raison en est peut-être que
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cette cité fut liée à la stratégie militaire de la royauté davidico-salomo-
nienne souvent condamnée par les prophètes. Les traducteurs rendent géné-
ralement l’expression par “le commencement du péchéâ€. La signification
de la phrase ne fait pas de doute: c’est bien là en effet qu’a débuté la faute
de Sion. Mais en donnant à ré’shît le sens concret de premier produit et non
celui, abstrait, de commencement, le sens est encore plus net: la cité de
Lakish en elle-même est la première manifestation de la faute et des rébel-
lions d’Israël, le premier fruit de son péché.
En Jb 40,19, Béhémot est appelé “ré’shît des voies de Dieuâ€. Le
contexte est celui de la création. Les traductions sont partagées. La majorité
opte pour un terme concret: la première des œuvres de Dieu, le chef
d’œuvre, le premier-né des voies de Dieu, la principale œuvre. D’autres
choisissent un terme abstrait: “the chief of the ways of Godâ€, “the begin-
ning of the ways of Godâ€, “der Anfang der Wege Gottesâ€, “en-tête des
routes d’Elâ€, “le commencement des voies de Dieuâ€, “le premier des
chemins de Dieu†24. La Septante et la Vulgate reproduisent ici leurs traduc-
tions ambivalentes de Gn 1,1, respectivement arxh et principium. Il
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semble cependant que la suite du verset — “celui qui l’a fait†— incite Ã
préférer pour ré’shît le sens concret de premier produit.
Dans le texte très proche de Pr 8,22 la sagesse déclare: “YHWH m’a
acquise 25 ré’shît de sa voieâ€. En raison de la similitude patente avec le
texte précédent on s’attendrait à ce que les traductions se partagent ici aussi
de la même manière entre termes concrets et termes abstraits. Curieuse-
ment il n’en est rien. Seules quelques traductions optent pour un terme
concret : “la première de ses Å“uvresâ€, “prémices de son Å“uvreâ€, “the first
of his worksâ€, “prémices de ses voies/de son actionâ€. La grande majorité
traduit ré’shît par un mot abstrait — “commencement†— et quasiment tous
les traducteurs en font une locution adverbiale: “au commencement†26.
Mi 1,13b.c est couramment considéré comme un ajout rédactionnel pour
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des raisons de rythme et de contenu. Cf. J.M. POWIS SMITH, A Critical and
Exegetical Commentary on the Books of Micah, Zephaniah and Nahum (ICC ;
Edinburgh 41959) 47-48; A. WEISER, Die Propheten (ATD 24 ; Göttingen 1959)
241-242. A la suite de K. ELLIGER – S.J. SCHWANTES, “Critical Notes on
Micah I 10-16â€, VT 14 (1964) 454-461, cf. p. 458, corrige réÃshît en be er-
shewa .
Sic, entre autres, KJ, Luther, AV REB, Weiser (ATD).
,
24
Le sens précis du verbe qanah — acquérir, posséder, créer — n’est pas
25
discuté ici. Il suffit de noter que ce verbe, qui signifie le plus souvent “acheterâ€,
commande régulièrement un accusatif d’objet concret: Gn 4,1; 25,10; 33,19;
47,19 ; Ex 15,16; 21,2; Lv 25,14; Jos 24,3.
Pour une argumentation en faveur de la traduction adverbiale voir
26
G.A. YEE, “An Analysis of Prov 8,22-31 According to Style and Structureâ€,