Jean L'Hour, «Ré’shît et beré’shît encore et toujours», Vol. 91 (2010) 51-65
Prenant le relais d’une étude récente du premier mot de la Bible l’auteur développe son argumentation en faveur d’une signification concrète du mot ré’shît au sens de premier produit. L’examen du vocabulaire dans la Bible le conduit à voir dans l’usage cultuel et concret de ce terme le vivier où a puisé l’auteur de Genèse 1,1 pour formuler sa confession de foi en exergue du récit de la création et en programme de Torah — Loi et Histoire — pour les humains et pour Israël.
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ré’shît maml ekût reproduit probablement l’expression technique babylo-
nienne resh sharruti qui désigne la période entre la mort d’un roi et l’intro-
nisation officielle de son successeur lors du festival du Nouvel An suivant 7.
Jr 27,1 et 28,1 ne se retrouvent pas dans la Septante et, de l’avis assez
général des commentateurs il s’agit là de gloses tardives 8. La préposition be
a ici valeur temporelle. En aucun de ces cas ré’shît n’a bien entendu le sens
de commencement absolu.
Dans une étude récente 9, P.J.M. Ayala a pris appui sur le sens tech-
nique de l’expression ré’shît maml ekût pour son interprétation de Gn 1,1.
Considérant, à la suite de Rashi et Ibn Ezra, que ré’shît est à l’état
construit, il émet l’hypothèse que maml ekût en serait le génitif sous-
entendu, “en analogÃa con sus ocurrencias en Jeremiasâ€. Sur la base du
culte de YHWH Roi tel qu’il se reflète dans les Psaumes 47, 93, 96, 97, 99,
103,19-22, 104 et par analogie avec la proclamation de “Marduk Roi†dans
le mythe de création Enuma Elish 10, Ayala traduit Gn 1,1 “ En el año de su
ascensión al trono, Dios creó el cielo y la tierraâ€, et il en propose la para-
phrase suivante: “Cuando Dios se sentó en su trono, creó el cielo y la
tierra †11. Royauté divine et création sont concomitantes. L’hypothèse ne
manque pas d’intérêt. Gn 1,1 étant un hapax dans la littérature biblique et
datant de la dernière phase rédactionnelle de P, aucun écho intra-biblique,
aussi ténu et minoritaire soit-il, ne peut être écarté a priori. Toutefois on
s’explique mal l’absence de ce génitif s’il doit être aussi fortement sous-
entendu. L’explication qu’en donne Ayala — à savoir que les auteurs sacer-
dotaux auraient sciemment omis “un substantif féminin abstrait pour éviter
toute réminiscence du paganisme akkado-babylonien†— n’est guère
W. RUDOLPH, Jeremia (HAT ; Tübingen 21958) 155; J. BRIGHT, Jeremiah
7
(AB 21; Garden City, NY 1965) 169; A. WEISER, Das Buch Jeremia (ATD 21;
Göttingen 1966) 230; J.Ph. HYATT, “The Beginning of Jeremiah’s Prophecyâ€,
ZAW 78 (1966) 204-214. Cette période, appelée aussi “accession yearâ€, est
comptée au crédit du roi décédé. Voir aussi S. SMITH, “The Practice of King-
ship in Early Semitic Kingdomsâ€, Myth, Ritual, and Kingship (ed.
S.H. HOOKE) (Oxford 1958) 29.
HYATT, “The Beginningâ€, 205-206. Selon RUDOLPH, Jeremia, 162, le
8
glossateur de Jr 28,1 ne comprenait plus le sens technique de l’expression puis-
qu’il la met en équation avec la 4ème année de Sédécias. Les orthographes
maml ekut en Jr 26,1, maml eket, en 27,1 et 28,1 et malkût en 49,34 seraient, de
l’avis de Hyatt, des variantes textuelles sans importance.
P.J.M. AYALA, “Qué significa ‘Beresit’ en Génesis 1:1â€, QOL. Revista
9
Biblica Mexicana 41 (2006) 69-82.
ANET, 66.
10
AYALA, “Qué significa ‘Beresit’ â€, 79.
11