Marc Rastoin, «Simon-Pierre entre Jésus et Satan», Vol. 89 (2008) 153-172
In the history of research, Luke 22:31-34 has been on the whole judged to be a rather awkward composition consisting of traditional material and Lucan wording. This article intends to show the completely Lucan character of the passage as well as the theological meaning Luke attached to it. In these verses,
Luke reveals his literary mastery as well as his theological overall project in Luke-Acts: the primacy of Peter is rooted in the prayer of Jesus Christ himself during His Passion.
164 Marc Rastoin
le programme dont son nom est le signe: Dieu sauvera son peuple par
sa main de serviteur du Seigneur (21). Luc laisse au lecteur de faire le
chemin qui va du nom de Simon à celui de Pierre. Comment Pierre va-
t-il se révéler ‘roc’? Le lecteur l’apprendra dans le livre des Actes où
il verra Pierre résister courageusement au Sanhédrin, accepter la prison
(Ac 4, 5 et 12) et encourager sans relâche ses frères. La dernière
mention de Pierre dans le livre des Actes est une parole de l’Apôtre du
même nom à peine sorti de prison destinée aux “frères†(Ac 12,17b).
Pierre a accompli tout le ‘programme’ esquissé en Lc 22,31-34 (22). De
même le nom de Paul, le petit, se révélera par son humilité au long du
récit.
Le verbe “ejdehvqen†est un verbe rare typiquement lucanien. Il ne se
trouve sous cette forme même qu’en Lc 9,40 et Lc 22,31. Sur les 23
occurrences du Nouveau Testament, 15 sont lucaniennes (7 Lc – 9 Ac)
et 6 pauliniennes. Parmi les autres évangélistes, seul Matthieu
l’emploie (Mt 9,38). On a cru pouvoir trouver un parallèle dans la
version grecque d’un écrit intertestamentaire juif, le testament de
Benjamin (en TBenj 3,3) (23). Cependant en raison de l’existence
d’interpolations chrétiennes dans ces textes d’une part, et du contexte
immédiat dans le chapitre 3, c’est un argument à utiliser avec
précaution. Toutefois ces interpolations ont presque toujours pour but
d’annoncer plus clairement Jésus Christ. Le verset cité qui emploie le
terme “béliar†pour parler de Satan ne sonne pas dans l’ensemble
chrétien et surtout on ne voit pas bien pourquoi un copiste aurait fait
(21) Cf. La thèse de Paul Béré sj sur la figure de Josué dans le livre de Josué,
qui montre que le ‘titre’ le plus juste que le livre met en place à propos de Josué
est celui de “serviteur du Seigneur†(Thèse PIB 2007).
(22) Cet élément est noté par C.K. Barrett dans sa liste des passages où la prise
en compte des Actes permet de mieux comprendre l’intention de l’Evangile de
Luc: “(31) 22,31-34 Peter plays and will play a special part in the life of the
disciples; in due course he must strengthen, sthrivzein, his brothers. It could be
said that in Acts, he does this; indeed one important aspect of the early chapters
is precisely this sthrivzein†(C.K. BARRETT, “The Third Gospel as Preface to
Acts?â€, Four Gospels: FS F. Neyrinck (éds. F. VAN SEGBROEK et alii) (BETL 100;
Louvain 1992) II, 1451-1466, 1460.
(23) Cf. A.W. ARGYLE, “The Influence of the Testaments of the Twelve
Patriarchs upon the New Testamentâ€, ExpTim 63 (1952) 256-257. Il défend sa
thèse dans A.W. ARGYLE, “Luke xxii. 31f.â€, ExpTim 64 (1952-1953) 222. Le texte
donne: “Si les esprits de Béliar vous réclament pour vous affliger de toute espèce
de maux, ils ne vous domineront pas, pas plus qu’ils n’ont dominé Joseph mon
frèreâ€, Testament de Benjamin, 3,3b (Ecrits intertestamentaires [Paris 1987]
936).