Samuel Bénétreau, «L’espérance chrétienne selon l’épître aux Hébreux: une spécificité?», Vol. 92 (2011) 97-111
The originality of the Epistle to the Hebrews among the texts of the New Testament is a well established conviction. What this originality consists in, where it lies and how it manifests itself remain to be analysed. This article purposes to show that such a widespread and decisive notion for the Christian message as «hope» evinces particular traits in this epistle. Their presence is best understood by their relationship with Christology and, especially, with the theme of the celestial priesthood of the Son.
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L’ESPÉRANCE CHRÉTIENNE SELON L’ÉPÎTRE AUX HÉBREUX
1. Affirmer l’espérance (He 10,3)
L’interpellation en He 10,3 est directe et vigoureuse, d’autant que
l’appel à “à continuer à affirmer†prolonge une exhortation qu’on peut
considérer comme majeure: “Approchons-nous donc avec un cœur droit
et dans la plénitude de la foi ... †(v. 22). On le constate, et c’est un point
important, l’espérance rentre dans le cadre d’une démarche dont nous
soulignerons tout l’intérêt dans l’étude de 7,19: “l’approche de Dieuâ€.
Dans la phrase chargée qui couvre les versets 22 et 23 on relève aussi que
l’espérance est en bonne compagnie: droiture de cœur, plénitude de la foi,
cÅ“ur et conscience purifiés, corps “lavéâ€, mais c’est elle qui, en défini-
tive, fait l’objet d’une exhortation explicite, suggérant que sa présence
dans la vie du chrétien est essentielle et doit faire l’objet de vigilance. Le
texte part du principe que tout chrétien jouit de l’espérance, mais il est
demandé de “continuer à l’affirmer†(katexwmen thn omolog¥an thv
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elp¥dov aklinh). Dans cette exhortation l’accent paraît mis sur
ßı ß ˜
omolog¥a (d’autant que l’adjectif aklinh est vraisemblablement attribut
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de omologÂ¥a : “maintenons l’affirmation-confession fermeâ€) et on peut
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considérer le génitif elp¥dov comme caractérisant omolog¥a, soulignant
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sa charge eschatologique (Attridge) 7. Il nous paraît préférable de donner Ã
omolog¥a une valeur active (le fait de confesser) et de voir en elp¥dov
Ω ı ßı
un génitif objectif. Dans ce cas, l’accent tombe sur l’espérance, une espé-
rance qu’il faut non seulement conserver mais affirmer, probablement
avec la nuance de déclaration publique qui s’attache fréquemment au
groupe omolog¥a-omologw 8. Cette lecture qui met l’accent sur l’espé-
Ω ıΩ ˜
rance est appuyée par la formulation des autres exhortations que nous
allons considérer: 3,6 et 6,11. Dans ces deux passages l’exhortation porte,
à n’en pas douter, directement sur l’espérance.
Si l’on s’interroge sur le fondement de cette exhortation, deux
réponses s’imposent. La première se rattache au thème majeur de la chris-
tologie de l’épître (v. 19-21) : le plein accès au sanctuaire par “la voie
nouvelle †ouverte par le sacrifice du Christ et l’établissement du “prêtre
éminent †sur la maison de Dieu. La seconde réponse est plus habituelle
dans le Nouveau Testament: le motif de la fidélité de Dieu, en particulier
de la fidélité à ses promesses (23b).
H.W. ATTRIDGE, The Epistle to the Hebrews. A Commentary (Herme-
7
neia ; Philadelphia, PA 1989) 289.
Plusieurs commentateurs, Ã partir de 10,23, se demandent si les emplois
8
absolus, sans compléments, de omologıa en 3,1 et 4,14 ne devraient pas être
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compris comme des confessions de l’espérance plutôt que de la foi. En 3,1,
particulièrement, un lien s’établit avec 3,6 (assurance et fierté de l’espérance).