Samuel Bénétreau, «L’espérance chrétienne selon l’épître aux Hébreux: une spécificité?», Vol. 92 (2011) 97-111
The originality of the Epistle to the Hebrews among the texts of the New Testament is a well established conviction. What this originality consists in, where it lies and how it manifests itself remain to be analysed. This article purposes to show that such a widespread and decisive notion for the Christian message as «hope» evinces particular traits in this epistle. Their presence is best understood by their relationship with Christology and, especially, with the theme of the celestial priesthood of the Son.
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dans le passé des fidèles et qui les a introduits dans une situation privilé-
giée. L’approche n’est pas ponctuelle, mais elle se vit, elle perdure. On a
fait remarquer également qu’en 4,16 (“avançons-nous donc ... vers le
trône de la grâceâ€) le verbe proserxwmeua est au subjonctif présent, ce
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qui signale une exhortation en faveur d’une démarche qui se répète et se
prolonge 16. D’autres textes soulignent, cependant, qu’un tel privilège
reflète une condition encore provisoire qui débouchera un jour sur une
possession plénière de l’héritage (cf. 6,12).
Hébreux 7,19 donne au rapport entre espérance et approche de Dieu
une formulation qui surprend: une espérance “par laquelle nous nous
approchons de Dieuâ€. Mais s’agit-il d’espérance subjective ou d’espé-
rance objective? L’avis de C. Spicq est ferme: “elp¥v est à prendre au
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sens objectif du salut escompté et dont le christianisme donne les moyens
d’accès (dià hv) entre tous†17. Cette valeur objective doit être envisagée,
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en effet, dans la mesure où est introduite par le sacerdoce du Christ (v. 17)
une disposition nouvelle qui prend la place du “précepte antérieurâ€
(v. 18). Mais la dimension subjective s’impose également dans la préci-
sion “par laquelle nous nous approchons de Dieuâ€. Il y a une certaine
difficulté à considérer epeisagwgh de kre¥ttonov elp¥dov simplement
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comme la désignation du bien visé par l’espérance, c’est-à -dire un salut
que le verset 25 de ce chapitre 7 expose en ces termes: “Il est en mesure
de sauver d’une manière définitive ceux qui, par lui, s’approchent de
Dieu â€. Le bien ultime, c’est donc l’approche de Dieu à salut. La difficulté
est alors amenée par le dià hv qu’on traduit, à juste titre, par un instru-
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mental : “par laquelle†(TOB; NBS; BJ; BSM; Spicq, etc.); “grâce Ã
laquelle †(BFC); “through which†(Attridge); “durch die†(Braun) 18.
Comment cette espérance objective, qu’on peut résumer comme une
authentique et définitive approche de Dieu, deviendrait-elle moyen, instru-
ment, de l’approche de Dieu selon ce verset 19? Le problème est résolu si
l’on garde à “meilleure espérance†sa réalité subjective de privilège dont
jouit existentiellement le croyant (s’opposant à la déficience et à l’inutilité
du régime antérieur pour les fidèles). Cette espérance vécue peut être
moyen de l’approche de Dieu. Il est également possible de considérer que
dia introduit une attendant circumstance (BAGD I, 1), “une circonstance
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qui accompagneâ€. L’espérance du chrétien accompagne alors son
Ainsi, entre autres, SCHOLER, Proleptic Priests, 127.
16
C. SPICQ, l’Épître aux Hébreux (SB ; Paris 1977) 127. C’est aussi l’avis
17
de H. BRAUN, An die Hebräer (HNT 14; Tübingen 1984) 214: “ici, le bien
espéré †(Hoffnungsgut).
BRAUN, An die Hebräer, 213.
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