Samuel Bénétreau, «L’espérance chrétienne selon l’épître aux Hébreux: une spécificité?», Vol. 92 (2011) 97-111
The originality of the Epistle to the Hebrews among the texts of the New Testament is a well established conviction. What this originality consists in, where it lies and how it manifests itself remain to be analysed. This article purposes to show that such a widespread and decisive notion for the Christian message as «hope» evinces particular traits in this epistle. Their presence is best understood by their relationship with Christology and, especially, with the theme of the celestial priesthood of the Son.
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cet aspect de vigilance portant directement sur l’espérance n’apparaît
guère. Il met plutôt en valeur le rôle de l’Esprit Saint dont le croyant a reçu
les arrhes 33, alors que l’Esprit occupe une place limitée dans Hébreux 34.
– L’espérance est située dans des contextes essentiellement positifs et
sous des éclairages favorables: “assuranceâ€, “fierté†(3,6); “une meilleure
espérance †(7,19). C’est un privilège capital (“nous l’avons comme une
ancre de l’âme†(6.19), elle est susceptible “de plénitude†(6,11), c’est un
chemin dans l’approche de Dieu (7,19), elle s’inscrit dans la foi comme
garantie d’un avenir (11,1). Les contextes pauliniens sont souvent moins
avantageux. En Romains 8, où le terme intervient 13 fois, l’espérance est
soumise à des tensions et subit des associations pesantes: vv. 20-22, 23-24
(cf aussi l’association de elp¥v et de ulıciv en Rm 12.12 ; en Rm 5,4
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espérance et consolation vont de pair). Hébreux n’ignore pas les épreuves
et les persécutions des chrétiens, mais elle tient à mettre l’espérance dans
la pleine lumière et la joyeuse assurance de son rapport avec le ressuscité.
– Une originalité de l’épître est le lien étroit qu’elle établit entre espé-
rance et approche de Dieu (7,19; 10,22-23; plus indirectement 6,18-20); en
7,19 un rapport instrumental ou d’accompagnement est même attesté.
S’impose un caractère d’immédiateté dans l’exercice de l’espérance.
Certes, l’aspect de futurité associé au terme n’est pas évacué, mais l’appli-
cation est d’abord actuelle 35. Il s’agit de prendre conscience du ministère
qu’assume le Christ exalté, avec tout ce que cela signifie déjà pour le
croyant. Chez Paul le motif et le vocabulaire de l’attente en perspective
eschatologique (apekdexesuai) ont une large place (1 Co 1,7; Rm
ß ¥
8,19.23.25 ; Ga 5,5; Ph 3,20. Dans Hébreux, l’attente ne marque pas
Cf. 2 Co 5,5: “Celui qui nous a formés pour cet avenir, c’est Dieu qui
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nous a donné les arrhes de l’Esprit. Ainsi donc, nous sommes toujours pleins
de confiance ... †; Rm 15,13: “Que le Dieu de l’espérance vous comble de joie
et de paix dans la foi, afin que vous débordiez d’espérance par la puissance de
l’Esprit Saintâ€.
Le Saint Esprit, dans Hébreux, est en rapport avec l’existence chré-
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tienne seulement dans deux textes: 2,4 (l’Esprit dispensateur de “dons spiri-
tuels â€) et 6, 4 (“des hommes qui ont eu part à l’Esprit Saintâ€).
D.A. HAGNER, Hebrews (San Francisco, CA 1983) 112: “Comme en
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6,18, le terme (espérance) se rapporte au présent plutôt qu’à une réalité future.
Ou, pour le dire d’une autre façon, notre assurance concernant le futur (parce
qu’elle repose sur l’œuvre parfaitement accomplie par le Christ) est telle
qu’elle transforme le présent. L’eschatologie concerne non seulement le futur,
mais aussi le présentâ€. E. GRÄSSER, “Das wandernde Gottesvolk. Zum Basis-
motiv des Hebräerbriefesâ€, ZNW 77 (1986) 175, insiste sur le fait qu’il ne
s’agit pas d’un “transcendantalisme intemporelâ€; “l’actualité pour le croyant
(11,13.39-40) ne correspond pas à un désir intemporel pour l’invisible, mais Ã
une espérance fondée sur la promesseâ€.