Samuel Bénétreau, «L’espérance chrétienne selon l’épître aux Hébreux: une spécificité?», Vol. 92 (2011) 97-111
The originality of the Epistle to the Hebrews among the texts of the New Testament is a well established conviction. What this originality consists in, where it lies and how it manifests itself remain to be analysed. This article purposes to show that such a widespread and decisive notion for the Christian message as «hope» evinces particular traits in this epistle. Their presence is best understood by their relationship with Christology and, especially, with the theme of the celestial priesthood of the Son.
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Il est un point qu’il faut aborder dès l’examen de ce premier verset.
S’agit-il de l’espérance subjective, qui reçoit un encouragement bienvenu
à s’attacher aux promesses et aux certitudes concernant les réalités
célestes, ou de l’espérance objective? Nous ne pensons pas, contrairement
à un bon nombre de commentateurs, qu’ici et dans d’autres textes il faille
opter a priori pour un sens purement objectif du terme “espérance†9.
Nebe s’oppose à juste titre à la tendance qui consiste à privilégier la spes
quae speratur au détriment de la spes qua speratur. Il consacre onze
pages (65-75) à l’analyse du “fait d’espérerâ€, du “lieu anthropologiqueâ€
de l’espérance, sans négliger ensuite, naturellement, l’examen des
“ objets â€, les biens espérés. Les considérations sur les divers aspects de
l’espérance en général et chez Paul en particulier proposées par Nebe
valent pour Hébreux. On aurait tort d’oublier l’espérance comme élément
de la spiritualité du croyant, sans la séparer de son “contenuâ€, car l’espé-
rance chrétienne n’est jamais considérée comme vide ou incertaine; elle
est fermement orientée vers ces grâces dont témoigne l’Évangile.
Pour ce qui concerne 10,23, il est permis d’hésiter. D’une part, il y
une sollicitation de la pensée et de la volonté des fidèles et, d’autre part,
la valeur à préserver et à affirmer, c’est l’espérance comme objet, dont les
versets 19-21 ont donné un remarquable aperçu. Nous considérons toute-
fois que lorsque l’espérance fait l’objet d’une exhortation, on ne peut
négliger la dimension subjective.
2. Conserver l’espérance (He 3,6)
L’exhortation est indirecte en He 10,3; elle s’inscrit dans la condi-
tionnelle “si nous conservons ... â€. Avec l’incitation à la fidélité et à la
persévérance, on reste dans l’esprit de 10,23. Dans ce passage l’auteur
s’adresse à ses frères qui ont en partage “une vocation célesteâ€, klhsewv
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epoyran¥oy metoxoi, puis l’attention se fixe sur Jésus comme “apôtre et
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grand prêtre de notre confessionâ€, jouissant d’une gloire supérieure; le
texte s’attarde ensuite sur la condition unique de celui qui a droit au titre
de Fils 10. On retrouve comme fondement un rappel des vérités les plus
C’est le cas de ATTRIDGE, The Epistle, 183, pour ce passage.
9
W.L. LANE, Hebrews 1-8 (WBC; Dallas, TX 1991) 153, croit même pouvoir
affirmer : “Dans Hébreux, le mot ‘espérance’ ne dépeint jamais une attitude
subjective (par exemple ‘notre espérance’ ou ‘bon espoir’) mais désigne
toujours le contenu objectif de l’espérance, comprenant le salut présent et Ã
venir â€.
KÄSEMANN, The Wandering People, 39, situe ainsi la différence entre
10
Paul et Hébreux: “Pour Paul, le paradoxe de la foi réside dans le témoignage
de la parole du crucifié en tant que salut; pour Hébreux, il se trouve dans le
choix d’un futur transcendant de préférence à un bonheur terrestre à cause de