Samuel Bénétreau, «L’espérance chrétienne selon l’épître aux Hébreux: une spécificité?», Vol. 92 (2011) 97-111
The originality of the Epistle to the Hebrews among the texts of the New Testament is a well established conviction. What this originality consists in, where it lies and how it manifests itself remain to be analysed. This article purposes to show that such a widespread and decisive notion for the Christian message as «hope» evinces particular traits in this epistle. Their presence is best understood by their relationship with Christology and, especially, with the theme of the celestial priesthood of the Son.
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mais comme le fait d’espérer (das Hoffen)†28. Demeure, à l’évidence, le
lien entre la réalité dans l’existence du croyant et le bien espéré. Nebe le
souligne à propos du beau texte de Rm 15,13, avec ses deux emplois du
mot espérance: “Ainsi, à côté du fait d’espérer, se dessine en même temps
tout l’avenir de salut eschatologique†29.
Ce qui frappe aussi dans ces versets 18-19, c’est le mouvement dont
ils sont animés: des chrétiens qui fuient et s’emparent de l’espérance, une
ancre qui pénètre au-delà du voile, Jésus qui entre au ciel comme “celui
qui court devantâ€, prodromov 30. Des termes comme eıserxomenhn et
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prodromov témoignent du passage dynamique de la terre, où demeurent
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les croyants, au ciel où le Christ siège à la droite de Dieu. Par le Christ
exalté, les croyants sont comme attirés vers le ciel.
Nous retrouvons ici ces traits qui ont retenu notre attention à propos
de 10,23 et 3,6. L’espérance n’est pas orientée tellement vers les biens
ultimes (néanmoins ils ne sont pas oubliés dans l’épître!) mais elle
s’attache aux réalités célestes présentes. Elle se nourrit de ce regard
confiant porté sur le grand prêtre nouveau, avec lequel un lien actuel
s’établit 31.
3. Des biens “garantis†(He 11,1-2)
Sans s’obliger à une étude approfondie de la déclaration sur la foi en
He 11,1-2 qui a été travaillée avec tant de passion, il convient de situer
l’expression “les biens espérés†(elpizomena). Pour ypostasiv, plutôt
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que “substanceâ€, “essenceâ€, ou même “fondementâ€, ce qui impliquerait
une préoccupation d’ordre philosophique, nous retenons, avec de
nombreux commentateurs modernes, “garantieâ€, “titre de propriétéâ€. Il
nous paraît que cela correspond à ce que suggère la longue liste de
témoins du chapitre 11. Chez eux, l’aspect subjectif de la foi n’est pas
ignoré ; manifestement, il s’agissait d’une réalité solide à laquelle Dieu
donnait consistance. Attridge souligne à juste titre cette dimension
RISSI, Die Theologie, 97, ajoute: “Nous avons cette espérance comme
28
une ancre de notre vie intérieure, spirituelle, qui pénètre dans les réalités de
l’autre côté du voileâ€.
NEBE, ‘Hoffnung’, 64.
29
WESTCOTT, The Epistle, 163: “Cela met en évidence deux aspects de
30
l’espérance, son inébranlable stabilité et la vigueur de sa pénétrationâ€;
prodromov s’applique au départ à la troupe envoyée devant l’armée pour
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explorer les lieux avant que celle-ci se mette en branle.
SPICQ, L’Épître, II, 165, cite BENGEL pour qui le câble entre le navire et
31
l’ancre est paraclesis per promissionem et juramentum Dei.