Samuel Bénétreau, «L’espérance chrétienne selon l’épître aux Hébreux: une spécificité?», Vol. 92 (2011) 97-111
The originality of the Epistle to the Hebrews among the texts of the New Testament is a well established conviction. What this originality consists in, where it lies and how it manifests itself remain to be analysed. This article purposes to show that such a widespread and decisive notion for the Christian message as «hope» evinces particular traits in this epistle. Their presence is best understood by their relationship with Christology and, especially, with the theme of the celestial priesthood of the Son.
101
L’ESPÉRANCE CHRÉTIENNE SELON L’ÉPÎTRE AUX HÉBREUX
hautes sur la position présente du Christ et les bénéfices que l’Église en
tire (3,1-5), comme en 10,19-23. L’autre fondement, la fidélité de Dieu,
n’est pas adjoint ici comme en 10,23b, mais, moins caractérisé, il est
présent dans l’épître sous différentes formes (par exemple 11,11, à propos
de Sara).
On voit dans ce verset 6 la force de la détermination demandée: il
faut maintenir non seulement l’espérance mais aussi thn parrhsıan kaı
ù ¥ ù
to kayxhma thv elp¥dov. L’espérance peut et doit s’accompagner
ù ¥ ˜ßı
d’“ assurance †(avec la nuance de “hardiesse†dans l’expression publique,
en particulier quand il s’agit de confesser, d’affirmer, 10,23) et de “fiertéâ€
(ou même “vantardiseâ€), termes particulièrement denses. La référence à la
fierté surprend si l’on y voit un avantage que le croyant pourrait revendi-
quer comme une performance personnelle, mais elle se comprend s’il
s’agit de la joie débordante qu’inspire la pensée de la gloire du Seigneur
et de l’héritage promis 11. Romains 5,2 le dit sous une forme assez proche:
“ Nous mettons notre fierté dans l’espérance de la gloire de Dieuâ€.
Ce rapprochement entre He 3,6 et Rm 5,2, amené par la référence
commune à “une fiertéâ€, se prête à une remarque relative au fondement
de l’espérance. En un sens, ce fondement réside toujours, en dernière
analyse, en Dieu lui-même. Mais les contextes suggèrent une différence.
En Rm 5,2, l’espérance dans laquelle on place son orgueil s’appuie sur la
certitude de la justification, de la paix rétablie avec Dieu, de l’accès à la
grâce “dans laquelle nous sommes établisâ€, c’est-à -dire l’accès à une
condition nouvelle à partir du Christ et de son oeuvre. Dans Hébreux,
nous le constatons, le regard est dirigé vers le “hautâ€, vers le ciel, vers le
Fils exalté. En un sens, l’assurance et la fierté s’y nourrissent de la
contemplation des réalités transcendantes et du lien qu’il est possible
d’établir avec elles.
3. Nourrir l’espérance (He 6,11)
Le contexte de He 6,11 a un relief moins accusé que dans les textes que
nous venons d’aborder. L’intérêt de la phrase réside davantage dans la
présence de la notion “d’épanouissement†dont doit bénéficier l’espérance.
Certes, le sens de plhroforıa se discute: “assurance†ou “plénitude†12.
Â¥
la Parole, elle seule, en dépit de l’attente et des souffrances qu’implique ce
futur dans l’immanence du présentâ€.
WESTCOTT, The Epistle, 78: “L’espérance chrétienne est faite d’exulta-
11
tion courageuseâ€.
plhroforıa est un terme riche et les avis sont partagés sur la nuance
Â¥
12
qui convient ici. Nous retenons le sens d’épanouissement en rapport avec
l’idée d’effort, d’empressement, plutôt que celui d’assurance ou de réalisa-