Jean L'Hour, «Ré’shît et beré’shît encore et toujours», Vol. 91 (2010) 51-65
Prenant le relais d’une étude récente du premier mot de la Bible l’auteur développe son argumentation en faveur d’une signification concrète du mot ré’shît au sens de premier produit. L’examen du vocabulaire dans la Bible le conduit à voir dans l’usage cultuel et concret de ce terme le vivier où a puisé l’auteur de Genèse 1,1 pour formuler sa confession de foi en exergue du récit de la création et en programme de Torah — Loi et Histoire — pour les humains et pour Israël.
ANIMADVERSIONES
Ré’shît et beré’shît encore et toujours *
Il est sans doute dans la nature des commencements de ne jamais finir. Tel est
le destin du premier verset de la Genèse et de la Bible hébraïque qui ne cesse
d’attiser la curiosité des lecteurs et d’échapper à leur emprise. Est-ce en
raison de son obscurité ou de son trop plein de sens? La plupart des études ont
porté essentiellement d’une part sur le sens, absolu ou relatif, de beréÃshît et,
d’autre part, sur la syntaxe des trois premiers versets. Beaucoup plus rares ont
été les remises en question de la signification temporelle de ce premier mot.
Dans un article récent 1, W. Oswald a repris l’étude de beréÃshît et, sur
la base d’une analyse sémantique et grammaticale du mot ré’shît et de la
préposition b e, il a conclu au bien-fondé de la traduction suivante de
Gn 1,1: “Als Erstling(swerk) hat Gott die Himmel und die Erde
geschaffen â€. Son argumentation s’appuie sur l’emploi majoritaire de
ré’shît au sens de “prémices†dans la tradition Sacerdotale (P) et sur la
fonction prédicative de la préposition b e. Avant lui, J.B. Jordan 2 parvenait
partiellement à la même conclusion: “To sum up, reshit is not used in
Genesis 1:1 because the writer wanted a word that implies a period of time.
Rather, it is used because the writer wanted a word that implies firstfruitsâ€.
Toutefois, en raison de la fonction “clairement†temporelle à ses yeux de la
préposition, il se refusait à traduire par “As the first fruits of His creation,
God made the heavens and the earthâ€, se contentant de laisser le sens de
“ premiers fruits†en filigrane du mot “commencementâ€.
La présente étude vise essentiellement à compléter l’excellent article
d’Oswald par un examen systématique plus détaillé de toutes les
occurrences de ré’shît dans la Bible hébraïque, avec une attention toute
particulière pour les emplois non directement cultuels, en essayant de déter-
miner si le terme est abstrait et temporel ou s’il désigne d’abord une réalité
concrète 3. Au vu des résultats elle proposera un élargissement de l’interpré-
tation de Gn 1,1.
* Je tiens à remercier les Professeurs Horacio Simian-Yofre et Dany
Nocquet pour leur relecture du manuscrit et leurs remarques judicieuses. La
thèse défendue ici et ses faiblesses éventuelles demeurent totalement miennes.
W. OSWALD, “Das Erstlingswerk Gottes – zur Ãœbersetzung von Gen 1,1â€,
1
ZAW 120 (2008) 417-421.
J.B. Jordan, “John Sailhamer weighs in (I)â€, Biblical Chronology IX,
2
n 4 (avril 1997) 1-6.
o
Selon Joüon, Grammaire de l’hébreu biblique (Rome2 1996) § 88
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