Samuel Bénétreau, «L’espérance chrétienne selon l’épître aux Hébreux: une spécificité?», Vol. 92 (2011) 97-111
The originality of the Epistle to the Hebrews among the texts of the New Testament is a well established conviction. What this originality consists in, where it lies and how it manifests itself remain to be analysed. This article purposes to show that such a widespread and decisive notion for the Christian message as «hope» evinces particular traits in this epistle. Their presence is best understood by their relationship with Christology and, especially, with the theme of the celestial priesthood of the Son.
L’espérance chrétienne selon l’épître aux Hébreux:
une spécificité?
L’espérance n’occupe pas une place exceptionnelle dans l’épître aux
Hébreux : le verbe elp¥zein n’est employé qu’une seule fois, au participe,
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et le substantif elp¥v intervient cinq fois, mais plusieurs expressions et
ßı
développements, sans utiliser ces termes, mettent en valeur, de diverses
façons, ce qu’on peut appeler légitimement l’espérance chrétienne. Quel-
ques auteurs vont même jusqu’à considérer que l’espérance finit par y
absorber la notion de foi ou, au moins, la rejoindre 1. Y a-t-il donc à ce
sujet une spécificité dans l’enseignement et la parénèse de l’œuvre? A
première vue, l’espérance paraît être celle qu’on trouve dans le Nouveau
Testament en général; on est proche des écrits pauliniens et de la
Première de Pierre. Quantitativement, Hébreux se situe dans une sorte de
moyenne : nettement moins de mentions que dans l’épître aux Romains
(4 fois le verbe et 13 fois le nom!) mais plus que dans d’autres épîtres de
taille comparable (par exemple 1 et 2 Corinthiens). L. Hurst s’est efforcé
de montrer qu’il n’y a pas lieu de creuser un fossé entre Paul et Hébreux;
en particulier, il prend ses distances par rapport à la thèse selon laquelle la
foi y est subordonnée à l’espérance, ce qui contrasterait avec les données
pauliniennes 2. Il est convaincu qu’on retrouve dans Hb des développe-
La relation entre foi et espérance dans l’épître suscite une ample
1
réflexion. E. KÄSEMANN, The Wandering People of God. An Investigation of
the Letter to the Hebrews (Minneapolis, MN 1984) 39: “Ici, pıstiv est, fonda-
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mentalement, aussi elp¥v, et dans la même mesure aussi makrouymıa et
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ypomonh †; K.M. WOSCHITZ, Elpis-Hoffnung. Geschichte, Philosophie,
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Exegese, Theologie eines Schlüsselbegriffs (Wien – Freiburg – Basel 1979)
634 : “pıstiv et elp¥v, sont comprises, pour ainsi dire, comme des syno-
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nymes â€. B.F. WESTCOTT, The Epistle to the Hebrews. The Greek Text with
Notes and Essays (London – New York 21892) 78, par contre, maintient la
distinction : “L’espérance se rapporte à la foi comme l’activité pleine
d’énergie de la vie se rattache à la vie. Au travers de l’espérance la puissance
de la foi apparaît en rapport avec le futur. L’espérance donne de la netteté aux
objets de la foiâ€. A. VANHOYE, La lettre aux Hébreux. Jésus Christ, médiateur
d’une nouvelle alliance (Paris 2002) 211, estime que l’espérance est appuyée
sur la foi, une espérance qui “exprime l’aspect dynamique de la foiâ€.
L. HURST, The Epistle to the Hebrews. Its Background of Thought
2
(SNTS 65; Cambridge 1990) 120.