Marc Rastoin, «Simon-Pierre entre Jésus et Satan», Vol. 89 (2008) 153-172
In the history of research, Luke 22:31-34 has been on the whole judged to be a rather awkward composition consisting of traditional material and Lucan wording. This article intends to show the completely Lucan character of the passage as well as the theological meaning Luke attached to it. In these verses,
Luke reveals his literary mastery as well as his theological overall project in Luke-Acts: the primacy of Peter is rooted in the prayer of Jesus Christ himself during His Passion.
Simon-Pierre entre Jésus et Satan:
La théologie lucanienne à l’œuvre en Lc 22,31-32.
La petite péricope de Luc 22,31-32 est souvent demeurée dans
l’ombre. Du fait des débats entre catholiques et protestants sur le
fondement biblique de la primauté de Pierre, l’attention se concentra
surtout sur Mt 16. Par la suite, les recherches historico-critiques
cherchèrent à identifier les différentes étapes aboutissant à l’état actuel
du texte. Au vu des recherches plus récentes sur l’œuvre lucanienne et
sur le dyptique Lc-Ac, il convient de reprendre le dossier de façon
nouvelle.
I. Status quaestionis
A ma connaissance, une seule monographie a été consacrée à cette
péricope (1). Il s’agit de B. Prete, Il primato e la missione di Pietro.
Studio exegetico-critico del testo di Lc 22,31-32 (Brescia 1969). On y
trouvera la bibliographie antérieure à 1969 ainsi qu’un résumé très
complet des positions de Bultmann, Schürmann, Cullmann et Dinkler.
(1) Outre cette monographie, les analyses du passage se trouvent, soit dans
des ouvrages consacrés au problème synoptique, à commencer par R. BULTMANN,
L’histoire de la tradition synoptique (Paris 1973) (1ère édition 1921) 326-327, 341-
342 et 616-617, qui fut très suivi, soit dans des monographies sur la figure de
Pierre, notamment celle de O. CULLMANN, Saint Pierre: Disciple, Apôtre, Martyr.
Histoire et théologie (Neuchâtel 1952), surtout 164-166, et de W. DIETRICH, Das
Petrusbild der Lukanischen Schriften (BWANT 94; Stuttgart 1972), spécialement
116-138, mais aussi celle de R.E. BROWN – K.P. DONFRIED – J. REUMANN (éd.),
Peter in the New Testament. A Collaborative Assessment by Protestant and
Roman Catholic Scholars (New York 1973) 110-125 en particulier, qui eut un
large écho, soit dans des analyses de la Passion chez Luc. Parmi celles-ci se
dégagent celle de E. LINNEMANN, Studien zur Passionsgeschichte (FRLANT 102;
Göttingen 1970), en particulier 70-90, laquelle a provoqué de vives réactions en
attribuant le logion à un prophète de l’Eglise primitive (originellement publié
comme article: “Die Verleugnung des Petrus†ZTK 63 (1966) 1-32, ce qui
explique que B. Prete puisse discuter sa proposition), celle de J. NEYREY, The
Passion According to Luke. A Redaction Study of Luke’s Soteriology (New York
1985) 28-48, et celle de M.L. SOARDS, The Passion According to Luke. The
Special Material of Luke 22 (JSOTSS 14; Sheffield 1987), dont les conclusions
sont voisines des miennes. Il faut noter qu’en général l’intérêt des commentateurs
se porte de façon privilégiée sur la question de la dernière Cène: Lc 22,7-20 plus
que sur Lc 22,31-33 généralement traités beaucoup plus rapidement.