Christian-B. Amphoux, «La grande lacune du Codex de Bèze.», Vol. 17 (2004) 3-26
One of the most important NT manuscripts, the codex Bezae, included between the Gospels and the Book of Acts several writings that are nowadays
lost. The present article corrects the author’s former views, published in 1996, concerning the contents of this lacuna: the 66 missing pages may very well have included a seven letters corpus, in fact a forerunner of the Catholic Epistles corpus, including Hb but not yet Jd. The analysis of these letters allows us both to understand better the period of redaction of NT writings and to bring this enterprise in connection with the writing process of the Old Testament.
La grande lacune du Codex de Bèze 7
où figuraient tous les éléments des trois synoptiquesâ€. Lessing est le pre-
mier à faire l’hypothèse d’un évangile primitif dont les récits seraient
“détachésâ€, et ce faisant, il contribue à orienter l’exégèse vers une étude
de détail des épisodes plutôt que la recherche d’une structure formée par
la disposition des épisodes.
Or, en rassemblant les épisodes disposés dans le même ordre dans les
trois synoptiques, on peut oberver qu’ils forment un ensemble autonome
et cohérent, autrement dit, qu’ils viennent d’une même source et que cette
source ne comprend pas les autres épisodes7. Lus dans leur continuité, ces
épisodes forment, en effet, un récit construit allant par étapes du baptême
de Jésus à sa mort suivie des premières apparitions du ressuscité. Ces
récits ne sont pas “détachésâ€, mais ils sont hiérarchisés et racontent une
histoire suivie qui se suffit à elle-même et qui est celle du ministère de
Jésus.
La première tradition narrative
Un autre ensemble est formé des épisodes narratifs absents d’un des sy-
noptiques au moins ou s’y trouvant à une place qui varie: si les précédents
ont une origine autonome, ceux-ci viennent d’une autre source au moins.
Or, à l’analyse, on peut montrer que, dans Marc et dans Luc, la plupart
d’entre eux appartiennent à un même ensemble narratif et que les deux
formes attestées par Marc et par Luc sont apparentées et représentent des
états distincts d’une même tradition. Dans Marc, cet ensemble comprend
douze épisodes communs avec Luc et douze qui ne s’y trouvent pas. De
même dans Luc, aux douze épisodes communs avec Marc s’en ajoutent
douze autres. L’histoire racontée est très différente de celle de l’ensemble
précédent et semble déborder du cadre du ministère de Jésus.
Dans Matthieu enfin, les deux états de cette tradition sont cumulés et
présentent une forme réduite, celui de Luc plutôt au début du ministère
de Galilée (chap. 3-11), et celui de Marc, plutôt à la fin (chap. 12-16).
Le résultat de cette analyse est que le deuxième ensemble vient de la
première tradition narrative, écrite par Marc, puis révisée par Luc, dans
un sens favorable à la théologie de Paul; cette tradition narrative produit
ainsi deux livres, respectivement écrits par Marc et par Luc.
La deuxième tradition narrative
Le premier ensemble représente une deuxième tradition narrative,
plus élaborée du point de vue rhétorique et ayant un correspondant dans
Jn, avec les mêmes récits principaux et des développements différents
traitant les mêmes thèmes: on est donc amené à attribuer ces deux en-
sembles, celui des synoptiques et son correspondant dans Jn, aux maîtres
C.-B. Amphoux, “Quelques remarques sur la formation, le genre littéraire et la compo-
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sition de l’Evangile selon Marcâ€, Filologia Neotestamentaria 10 (1997) 5-34.