Christian-B. Amphoux, «1 Th 2,14-16: Quels Juifs sont-ils mis en cause par Paul?», Vol. 16 (2003) 85-101
A well known passage of 1Th (2:14-16) lets Paul accuse the Jews of
being responsible for Jesus’ death. The present investigation shows, however,
that this interpretation is the result of a wrong punctuation of the text,
which, even if absent from the Greek tradition, found its way into the Latin
transmission due to the influence of the corresponding “capitulum” of
the Vulgate. Future editions should correct the punctuation in order that
translations may provide a sound rendering the passage.
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du grand-prêtre en fonction est telle qu’il est venu à l’idée de quelques
chrétiens, de la mouvance paulinienne semble-t-il, de voir en Jésus le
grand-prêtre légitime, malgré les obstacles juridiques que cela supposait.
Il n’est d’ailleurs pas établi que l’histoire de Jacques soit une invention
ni que le sacerdoce de Jésus soit une image, comme le veut l’opinion la
plus répandue. Il est, en effet, curieux de constater que de Jean le Baptiste
à Jésus, d’une part, puis de Jésus aux personnes de sa famille qui exerce-
ront la direction de la communauté de Jérusalem, en particulier Jacques,
puis Simon après 70, tous deux ayant leur nom parmi les frères de Jésus
mentionnés dans Mt (13, 55) et Mc (6,3), il existe une filière qui ressemble
à un lien dynastique. Il n’est pas impossible que Jean ait voulu rétablir un
sacerdoce dynastique, jouant lui-même, comme prêtre de naissance, le
rôle de fondateur, conférant à Jésus son cousin le rôle de premier grand-
prêtre légitime, et laissant à d’autres ensuite de mettre en place Jacques,
puis Simon. Mais, à l’évidence, une telle dynastie, si elle fut un projet, ne
s’est pas mise en place; il n’en reste pas moins que deux des “frères†de
Jésus ont joué à Jérusalem un rôle majeur pendant plusieurs décennies.
Revenons, à présent, au temps de rédaction de la lettre où se trouve
notre passage. Paul a-t-il l’intention de tancer le peuple juif pour qu’il en
revienne à la fidélité à Dieu qui passe par le respect de la loi mosaïque,
comme du temps des prophètes ? Ou songe-t-il à lui reprocher de n’avoir
pas adhéré à la foi en Jésus-Christ, à un moment ou la christologie est
encore mal établie (Paul le fera dans ses grandes lettres, vers 56-58) et où
tout est en mouvement, dans le judaïsme ? Tout cela paraît bien impro-
bable. En revanche, qu’il ait l’idée de souligner le discrédit du sacerdoce
hérodien et qu’il mette en balance la messianité de Jésus, dont il envisage,
dans la même lettre, le retour glorieux comme imminent (4,14-16), voilÃ
qui nous paraît plus plausible.
En somme, au moment où Paul écrit, la figure dominante à Jérusalem
est celle de Jacques et non plus celle de Pierre. Le départ du grand-prêtre
hérodien ne signifierait pas la fin du sacerdoce, mais ouvrirait la voie
à une autre solution, pour laquelle certains ont dans l’esprit le nom de
Jacques, comme le montre le récit d’Hégésippe, et comme le suggère aussi
la parole 12 de l’Evangile selon Thomas (où Jésus conseille à ses disciples,
quand il ne sera plus là , d’aller vers Jacques). Ainsi, vers 50, il y a de bon-
nes raisons, chez les chrétiens, de s’en prendre au grand-prêtre hérodien
et de l’accuser de tous les maux, en particulier ceux qu’une littérature
antérieure invoque pour les appliquer au peuple juif dans son ensemble.
Il n’est pas nécessaire d’ajouter une ponctuation au texte des principaux
témoins pour donner à la pensée de Paul, vers 50, toute sa force. “Les Juifs
qui ont tué le Seigneur Jésus et les prophètes†est une attaque contre une
autorité mauvaise, déjà discréditée aux yeux de bien des Juifs.