Jean-Noël Aletti, «La soumission des chrétiens aux autorités en Rm 13,1-7. Validité des arguments pauliniens?», Vol. 89 (2008) 457-476
Rm 13,1-7 has been interpreted in many different ways, often incompatible. This article is an attempt to show that this passage cannot be understood without its immediate context and also that its aim is neither to work out a political doctrine,
nor to ground the legitimacy of political power; nor does Paul push Christians to influence political life, but he urges them to overcome a possible attitude of fear and implicitly to extend their agape to all human beings. In doing so he innovates.
La soumission des chrétiens aux autorités en Rm 13,1-7 475
missionnaire de Paul en Espagne, l’argumentation ne répond pas
d’abord et seulement aux situations des chrétiens de Rome et de Paul.
Les propos du passage visent l’universalité dans l’espace et le temps.
Mais les arguments fournis sont-ils contraignants? Obligent-ils
autant que les arguments christologiques, typiquement chrétiens? Si
l’argumentation de Rm 13,1-7 est théo-logique et non christologique
ou pneumatologique — non directement chrétienne donc —, c’est
parce qu’en ce passage l’apôtre pense que les motivations qu’il énonce
valent pour tous, à l’aide d’arguments que les juifs et même les païens
(avec l’ambiguïté du mot Dieu) admettaient. Ainsi s’explique
l’absence d’arguments sur l’attitude ou sur les logia du Jésus de
l’histoire — de même que Jésus ne prêcha pas la révolte, etc., de même
vous aussi respectez les autorités —, ou encore sur le Ressuscité qui,
tout en étant Seigneur de l’univers, laisse le cours de l’histoire aller Ã
son terme. Des trois arguments fournis par le passage, le premier (Rm
13,1bc) suffisait alors à justifier la soumission, puisque c’était un topos
universellement reconnu, même par les écrits bibliques. Si Paul en a
ajouté un deuxième, plus fragile que le premier — ce qui, nous l’avons
vu, l’a amené à formuler le troisième (Rm 13,6) —, c’est pour inviter
ses correspondants à une soumission en conscience. Non qu’il
demande aux chrétiens d’avaler et de bénir toutes les décisions des
autorités, autrement dit d’être politiquement corrects (65), ou de se
conduire en “bons citoyens†(cives) — ce qui aurait été un bel
anachronisme, s’il est vrai que la communauté romaine était
majoritairement composée d’étrangers et d’esclaves —, mais de
montrer que le groupe chrétien, loin d’œuvrer à la dissolution sociale,
veut faire advenir la concorde et la paix.
La visée de Rm 13,1-7 n’est ainsi ni d’élaborer une doctrine
politique, ni de fonder la légitimité du pouvoir politique, ni de théoriser
le rapport des croyants à l’État (66), ou encore de proposer aux chrétiens
de prendre part activement à la vie politique. Elle est plus modeste
mais non moins exigeante: donner à entendre que si les chrétiens sont
effectivement dans le monde et l’histoire, la motivation de leur agir est
(65) Cf. O. WISCHMEYER, “Staat und Christenâ€, 149, qui se demande: “Schreibt
Paulus hier als Lehrer der Staatskonformität?â€, et répond opportunément par la
négative.
(66) Cf., par exemple, les études de J. TAUBES, J., La Théologie politique de
Paul. Schmitt, Benjamin, Nietzsche et Freud (Paris 1999), et R. PANATTONI,
Appartenenza ed eschaton. La lettera ai Romani di San Paolo e la questione
‘teologico-politica’ (Napoli 2001).