Jacqueline Assaël, «La valeur théologique du 'oui' (2 Co 1,17)», Vol. 93 (2012) 242-260
The translation of 2 Cor 1,17 is not very logical if we understand that Paul simply denies contradicting himself in his earlier communications with the Corinthians concerning a possible future visit. In fact, for him, the evangelical attitude is not to prove oneself reliable in the eyes of others by maintaning prior decisions at all costs, so that one’s «yes» must remain a «yes» and one’s «no» a «no». Rather, the behavior Paul describes as really in line with the message of Christ must eliminate the «no» so as to accord with the benevolent positivity of God, which is only «yes».
245
LA VALEUR THÉOLOGIQUE DU “OUI†(2 CO 1,17)
de ses éléments structurels. Peu après, à l’intérieur de la même tra-
dition patristique, le commentaire de Théodoret de Cyr apparaît
comme beaucoup moins assuré. Il propose en effet deux interpréta-
tions du verset 17c, qu’il analyse comme “opposéesâ€, sans choisir
entre ces hypothèses:
La première est celle-ci: ‘je ne suis pas léger et je ne change pas
brusquement d’avis de sorte à préférer tantôt un parti tantôt un
autre’. La deuxième: ‘mon âme n’est pas asservie; elle ne vise pas
à satisfaire à toute force son désir’ 5.
Dans les deux cas, des considérations d’ordre moral sont prêtées
à Paul, et non pas une réflexion de nature proprement spirituelle telle
qu’il la revendiquait. En effet, dans l’une ou l’autre de ces perspec-
tives, l’apôtre se défendrait soit d’être inconstant et menteur, soit
d’être absolutiste. Mais ainsi, il réaffirmerait seulement son honnê-
teté et la noblesse de son âme, c’est-à -dire qu’il se justifierait à partir
de ses qualités charnelles, selon sa terminologie 6. Or l’apôtre remet
précisément en cause cette échelle de valeur et il n’établit sa propre
fiabilité qu’en référence avec la volonté de Dieu. À la différence de
Jean Chrysostome, Théodoret ne perçoit donc plus la hauteur de vue
dont Paul se réclame.
En parallèle, dans la tradition patristique latine, les premiers exé-
gètes des IVème et Vème siècles se sont eux aussi engagés dans les deux
voies erronées suivies par Théodoret. Comme ils travaillent à partir
de la traduction qu’ils donnent de ce verset, certaines divergences
grammaticales qui se manifestent par rapport à l’original grec per-
mettent de déceler sur quels points ils s’écartent de l’intention du
message paulinien. La construction de la phrase grecque contenant
la réitération du “oui†et du “non†est particulièrement maltraitée.
Théodoret de Cyr, Interpretatio secundae epistolae ad Corinthios, PG
5
Migne, tome 82, col. 381.
Dans la théologie de Paul, le charnel ne s’oppose pas terme à terme au
6
spirituel comme le bien s’oppose au mal, mais il est transcendé par l’Esprit.
Le charnel, qui peut comporter ses aspects positifs et ses aspects négatifs, re-
présente seulement, en quelque sorte, un échelon inférieur dans l’échelle des
valeurs. L’apôtre reprend cette hiérarchisation des niveaux, sous une autre
forme, dans le cadre d’une profonde cohérence thématique en 2 Co 3,4-6,
quand il affirme la supériorité du cœur et de l’esprit par rapport à la lettre d’une
prescription morale.
© Gregorian Biblical Press 2012 - Tutti i diritti riservati