Jean-Noël Aletti, «L’argumentation de Ga 3,10-14, une fois encore. Difficultés et propositions.», Vol. 92 (2011) 182-203
More technical than in the past, the interpretation of Ga 3,10-14 tries to pay attention to the enthymemes and to find the syllogisms which would support Paul’s reflection. This article shows that it is much better and surer to have a very close look at the gezeroth shawoth.
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L’ARGUMENTATION GA 3,10-14,
DE UNE FOIS ENCORE
Abraham. Sans doute n’est-il pas inutile de montrer comment
l’apôtre a procédé tout au long des deux unités (Ga 3,1-5 et 6-14)
qui inaugurent l’argumentation théorique de sa lettre.
4. La logique de l’ensemble du parcours
En Ga 3,1-5, Paul rappelle que c’est par la foi que les ethnico-
chrétiens ont reçu l’Esprit de la promesse. Cette première étape est
essentielle et c’est souvent par elle que Paul commence: la
première des preuves est fournie par l’expérience, autrement dit
par ce que vivent les croyants. Car si les chrétiens venus de la
gentilité n’avaient pas reçu l’Esprit et les dons qui l’accompagnent,
toute autre preuve tiendrait du nominalisme.
Mais si l’expérience constitue la première preuve, elle ne suffit
pas ; elle doit être confrontée avec la parole de Dieu, aux principes
mêmes fixés par Dieu pour les croyants. En d’autres termes, si Paul
commence par les faits, il doit ensuite montrer que le vécu des
croyants ne remet pas en question la parole divine mais est bien plutôt
confirmé par elle. Aux preuves par les faits doivent succéder celles
par les principes ou logoi divins. En quoi les principes divins
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montrent-ils à leur tour que les chrétiens issus de la gentilité, les
eunh, n’ont pas à devenir sujets de la Loi? En ce que la justification
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advient par la foi (v. 6-9) et sans les Å“uvres de la Loi, car la Loi ne
saurait justifier (v. 10-12). L’apôtre peut alors revenir à l’événement
décisif, celui de la mort en croix du Christ, par lequel les sujets de la
Loi ont été libérés et les Nations ont pu recevoir l’Esprit. Il est inté-
ressant de noter que Paul ne part pas de la croix, mais y arrive
progressivement. Sa valeur universelle, en effet, pour Israël et les
Nations, ne pouvait être établie tout de suite; il fallait auparavant
montrer que le régime de la Loi était porteur de malédiction et n’avait
pas son origine dans la foi. Sinon, les sujets de la Loi auraient pu
objecter qu’ils n’avaient pas besoin du Christ, ayant dans la Loi tout
ce qu’il leur fallait pour obtenir justification et salut. Cela dit, Paul est
loin d’avoir fini sa réflexion. Il lui faut aussi dire pourquoi, si elle n’a
157, et ma propre réponse, Essai sur l’ecclésiologie des lettres de Saint Paul
(EB 60; Paris 2009) 96-97.