Jean Marcel Vincent, «L’apport de la recherche historique et ses limites pour la compréhension des visions nocturnes de Zacharie», Vol. 87 (2006) 22-41
The aim of this article is to point out danger to which “historicizing” interpretations
of the nocturnal visions of Zechariah (Zech 1,7–6,8*) are exposed.
Research into the historical context has been thoroughly renewed by studies by
Th. Pola (2003) and M.J. Boda (2004, 2005) but is it really certain that the
nocturnal visions concern the rebuilding of the temple in Jerusalem and that it is
necessary to liken, as tradition does, the message of the cycle of visions to that of
the oracles of the prophet Haggai?
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Zorobabel, fils de Shéaltiel, et Josué, fils de Yotsadaq, commencèrent Ã
bâtir la maison de Dieu à Jérusalem. Et avec eux étaient les prophètes
de Dieu, qui les assistaient†(5,6) et “Et les anciens des Judéens bâtirent
avec succès, selon la parole prophétique d’Aggée, le prophète, et de
Zacharie, fils d’Iddo†(6,14). Il s’agit d’un raccourci rétrospectif. Si
nous nous arrêtons au contenu des visions nocturnes, il faut reconnaître
que ni le langage ni le message ne sont identiques à ceux d’Aggée.
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Les propositions d’insertion des visions nocturnes dans l’histoire
en lien direct avec les oracles du prophète Aggée reposent donc sur des
bases bien fragiles. L’attente de trouver dans le contexte historique la
clef de lecture adéquate pour comprendre ces visions est finalement
déçue. Ce résultat quelque peu négatif, la résistance des visions noctur-
nes à une lecture “historicisanteâ€, conduit à penser que l’exégèse
critique reste aujourd’hui encore trop obnubilée par la recherche de
l’insertion précise des textes prophétiques dans l’histoire. D’une part,
des textes religieux comme les visions nocturnes de Zacharie mobili-
sent un langage symbolique qui s’inscrit dans une tradition prophé-
tique (89) et exige une poétique spécifique de lecture. D’autre part, les
textes sont organisés de telle sorte que le référent historique est en
quelque sorte occulté — “difficulté tactique†— au profit du référent
qui est Dieu lui-même se révélant à son peuple (90).
Faculté libre de Théologie Protestante Jean Marcel VINCENT
83 bd Arago 75014 Paris
France
(89) Sur la spécificité du langage visionnaire, cf. récemment, J.M. VINCENT,
“‘Ils virent la voix’. Réflexions théologiques sur la vision dans l’Ancien Testa-
mentâ€, ETR 78 (2003) 1-23; et R. FORNARA, La visione contradetta. La dialettica
fra visibilità e non-visibilità divina nella Bibbia ebraica (AnBib 155; Roma
2004).
(90) Les dates mêmes, parfois très précises dans leur formulation à l’époque
exilique (Ézéchiel) et postexilique (Za 1–8; Daniel), qu’elles soient rédaction-
nelles ou non, attestent que Dieu a parlé à son peuple dans des temps déterminés,
mais elles ne peuvent guère être perçues comme des clefs fournies par les
rédacteurs pour une lecture historienne. Ce serait prêter aux rédacteurs un souci
qui n’est pas celui de leur époque.