Christian-B. Amphoux, «1 Th 2,14-16: Quels Juifs sont-ils mis en cause par Paul?», Vol. 16 (2003) 85-101
A well known passage of 1Th (2:14-16) lets Paul accuse the Jews of
being responsible for Jesus’ death. The present investigation shows, however,
that this interpretation is the result of a wrong punctuation of the text,
which, even if absent from the Greek tradition, found its way into the Latin
transmission due to the influence of the corresponding “capitulum” of
the Vulgate. Future editions should correct the punctuation in order that
translations may provide a sound rendering the passage.
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Le capitulum n’est pas un simple doublet du texte de l’épître, mais il en
infléchit le sens: le pronom relatif suivi de l’indicatif (qui… occciderunt)
est remplacé par une causalité suivie du subjonctif (eo quod… interfice-
rint) qui ne peut être comprise que comme s’appliquant à tous les Juifs.
En somme, à un moment qui se situe entre le début du Ve siècle (période
où se fixe par révision de la Vieille latine ce qui deviendra la Vulgate) et
la rédaction des capitula (au plus tard, le milieu du VIe siècle), le texte se
charge d’une pause de la voix séparant les actuels v. 14 et 15, et le sens du
texte est infléchi par un capitulum qui fait porter à l’ensemble des Juifs
la responsabilité d’un procès que le premier rédacteur avait conçu pour
une partie d’entre eux.
Regardons les kephalaia de la tradition grecque, qui existent dès la
fin du IVe siècle: aucun d’eux ne concerne ces v.; le premier kephalaion
de l’épître est en 1,1; et le deuxième, en 2,17, soit juste après nos v. Le
capitulum VII n’a pas d’équivalent dans la tradition grecque, il constitue
une innovation latine qui consacre le changement de stique après le mot
“Juifs†comme une pause forte et infléchit le sens du texte vers la lecture
antisémite qui en sera faite ensuite.
Conclusion
Le passage 1 Th 2,14-16 fait bien partie de la première lettre écrite
par Paul, vers l’an 50. Il y est question d’une mise en cause de certains
Juifs, caractérisés comme ceux qui ont causé la mort de Jésus, mais aussi
celle des prophètes et qui continuent de tracasser les adeptes de Jésus, et
Paul invoque sur eux la colère de Dieu pour leur comportement: il s’agit Ã
l’évidence des grands-prêtres du temple de Jérusalem, et en particulier de
ceux du temps de Jésus, mais aussi du temps où Paul écrit, autrement dit
du sacerdoce hérodien, c’est-à -dire des grands-prêtres devenus les cour-
tisans d’Hérode, parce qu’ils lui doivent leur nomination. Le conflit avec
Paul ne durera pas: Paul sera arrêté au printemps 58, à Jérusalem, puis
éliminé, sans doute à Rome vers 63; et les grands-prêtres disparaîtront Ã
leur tour avec le temple, détruit par les Romains en 70. L’affaire est donc
réglée; mais une autre va bientôt surgir.
Les lettres d’Ignace d’Antioche contiennent les indices d’un premier
corpus paulinien, sans doute avant sa mort, vers 110; et 1 Th se trouve
intégrée à ce premier corpus. La fonction de ce corpus est d’accompagner
et peut-être d’orienter dans leur lecture la collection des quatre évangiles,
qui est réalisée à la même époque et dans le même milieu, sans doute en
Asie, à Smyrne, où Polycarpe a la mission de succéder à Ignace. Dans
ces conditions, les paroles de Paul prennent un sens nouveau. Le corpus
paulinien s’étoffe de nouvelles lettres: vers 140, Marcion en associe dix Ã
l’évangile de Luc; et il professe une théologie en rupture avec les phari-