Marc Rastoin, «Encore une fois les 153 poissons (Jn 21,11)», Vol. 90 (2009) 84-92
The number of fishes in Joh 21,11 has been a crux for the interpreters of the Fourth Gospel. If the theological meaning of the scene seemed to be clear enough — an allusion to the universality of salvation brought by Christ — the why of the number 153 tried the imagination of scholars since Augustine. This note intends to add several arguments to the proposition made by J. Emerton in 1958 that this number refers to Ez 47,1-12. The link between both passages becomes much easier to make and the theological coherence of this allusion within Johannine global theological framework appears more clearly.
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conclusion que c’est le 153ème jour, le 17ème jour du 7ème mois, que l’arche vient
se poser sur le sommet de la montagne. Il observe donc que nous retrouvons
les mêmes nombres clefs que dans le texte de Jean (18) et dans celui d’Ezékiel.
Il rappelle que la typologie de Noé comme symbole du salut et du baptême
était connu du christianisme primitif comme le montre 1 P 3,20-21. Quel lien
avec Jean 21? Il remarque que, selon le calendrier de Qumran mis en Å“uvre
par ce document, c’est lors de la fête de Sukkot que l’arche se pose (19). Or la
grande fête qui se trouve à l’arrière-plan de Jn 7–10 et de Jn 19,34 est la fête de
Sukkot (20).
Ainsi, si nous suivons l’étude de Brooke, il y a un lien non seulement avec
Ez 47 mais aussi avec le récit de l’arche de Noé tel qu’il était lu à l’époque. La
nature pétrinienne du passage en est renforcée. C’est le rassemblement des
disciples sous la houlette de Pierre qui est visé: “The use of Noah and the flood
to understand John 21:1-14 underlines the peculiarly petrine character of John
21†(21). Or cette péricope a clairement pour objectif de souligner le lien Ã
Pierre dans la communauté johannique et son rôle dans l’Eglise. De même que
la tunique de Jésus n’avait pas été divisée (Jn 19,24), le filet ne s’est pas divisé
(21,11b), seuls emplois du verbe scivzein dans l’évangile de Jean. “Gerade für
einen Modellleser des gesamten Kanons, dem z.B. das Bild von
‘Menschenfischern’ (Mk 1,17 par) bekannt ist, legt sich ja auch in der für den
Erzählfluss vordergründig überflüssig wirkenden Bemerkung, dass das Netz
nicht ‘zerriss’, eine symbolische Deutung auf die ‘Kirche’ nahe. Dass diese
wiederum auf die Interpretation der ‘153 Fische’ zurückwirkt, ist
offensichtlich†remarque à juste titre T. Nicklas (22). Le nombre de poissons
que pêchent des pêcheurs d’hommes ne peut être anodin.
Les parallèles maintes fois relevés entre, d’une part, le récit de la pêche
miraculeuse en Lc 5 avec la parole adressée à Simon-Pierre (“Désormais ce
sont des hommes que tu prendrasâ€; 5,10) et sa “multitude de poissons†(Lc
5,6), et la dimension ecclésiologique de Jn 21 d’autre part, vont dans ce sens
également. Même si les autres disciples ont tiré le filet depuis la barque,
c’est le seul Pierre qui tire le filet à terre (Jn 21,11b). De même l’emploi du
même mot rare, ajnqrakiavn, pour le feu de braises (Jn 21,9), renvoie au
reniement (Jn 18,18) et confirme le renouvellement de la mission donnée Ã
Pierre qui va suivre immédiatement. Tout comme Lc 22,31-32, Jean a choisi
de relier étroitement rappel de la chute de Pierre et confirmation de sa
(18) Il fait remarquer que le nombre 7 se trouve implicitement présent en Jn 21 puisqu’il
y a 7 disciples.
(19) Cf. BROOKE, “4Q252â€, 258.
(20) Cf. BROOKE, “4Q252â€, 258: “In the Fourth Gospel, Sukkoth forms the background
of the narrative of John 7:1-8:59 and beyondâ€. Le travail de L. DEVILLERS, La fête de
l’envoyé, la section johannique de la fête des tentes (Jean 7,1-10,21) et la christologie (Paris
2002), met bien en valeur l’importance de la liturgie de la fête des Tentes pour la
symbolique de l’Evangile de Jean. Après avoir noté que “le lien entre Jn 7,38 et Jn 19,34
semble indiquer une allusion au Temple d’Ezékielâ€, il juge in fine, 325, que la citation de Jn
7,38 vise davantage Za 14,8: “Le texte de Zacharie me paraît préférable. C’est dans ce
même chapitre que l’on trouve une triple allusion à la fête des tentesâ€. De fait, Zacharie 14
et Ezékiel 47 ont de nombreuses affinités, notamment l’écho de Sukkot.
(21) Cf. BROOKE, “4Q252â€, 263.
(22) Cf. NICKLAS, “‘153 große Fische’â€, 377.