Albert Vanhoye S.J., «La définition de l’"autre évangile" en Ga 1,6-7», Vol. 83 (2002) 392-398
A punctuation which divides in two the expression ou)ka!llo ei) mh/ brings some exegetes to say that Paul, in Gal 1,6-7, denies the existence of any other gospel. But if one respects the unity of the greek expression, one sees that Paul denies only the authenticity of another gospel. He does not deny the existence of two legitimate forms of evangelization (cf. Gal 2,7).
En fin de compte, la phrase de Paul nie simplement que l’autre évangile soit authentique. C’est une subversion de l’évangile. Paul ne nie pas l’existence de cet autre évangile. Il ne nie pas non plus la possibilité de plusieurs formes authentiques de l’évangile. Sa phrase ne se prononce pas sur ce point. On ne peut pas la traduire: "Il n’y a pas d’autre évangile" et encore moins: "Non qu’il y en ait deux".
Il faut cependant reconnaître qu’en déclarant que l’autre évangile n’est rien d’autre qu’une subversion de "l’évangiledu Christ", Paul laisse entendre qu’il n’y a qu’un évangile du Christ. Mais il ne s’ensuit pas que cet évangile ne puisse être présenté de manière différente par des apôtres différents. Lorsque, quelques versets plus loin, Paul parle de l’évangile annoncé par lui (Ga 1,11), il est bien conscient que cet évangile ne s’identifie pas purement et simplement à l’évangile du Christ, mais comporte des caractéristiques particulières qui le distinguent de l’évangile du Christ tel que le prêchaient les apôtres. La chose est encore plus claire en Ga 2,2, lorsque Paul dit qu’il est monté à Jérusalem pour rencontrer les autorités de l’Église-mère; il précise alors: "Je leur exposai l’évangile que j’annonce parmi les nations païennes" (Ga2,2). Si cet évangile était identique au leur, il n’aurait pas eu à le leur exposer.
Certes, l’essentiel de cet évangile est le même. Paul le dit clairement dans la Première aux Corinthiens. Il s’agit de l’annonce de la mort et de la résurrection du Christ (1 Co 15,3-4). A ce sujet, Paul déclare: "Que ce soit moi que ce soit eux, c’est cela que nous annonçons" (15,11). Mais l’évangile comporte bien d’autres éléments et leur présentation peut varier considérablement pour s’adapter aux diverses situations religieuses des personnes évangélisées, la différence principale étant l’appartenance ou la non-appartenance au peuple d’Israël. Paul parle à ce sujet de deux évangiles: "l’évangile du prépuce"et celui "de la circoncision". "A moi, écrit-il, a été confié l’évangile du prépuce, comme à Pierre [celui] de la circoncision" (Ga2,7). Il est vrai que, dans cette phrase, eu)agge/lion signifie "évangélisation" plutôt qu’ "évangile". Paul a reçu la tâche d’évangéliser les païens et Pierre celle d’évangéliser les Israélites. Mais cette répartition comportait nécessairement une adaptation du message à deux publics profondément différents. Il fallait en particulier décider si dans l’évangile prêché aux païens, il était nécessaire d’inclure l’obligation de s’assimiler aux Israélites en acceptant la circoncision. Éclairé "par une révélation de Jésus Christ" (Ga 1,12), Paul a compris que cette exigence ne s’imposait pas. Son évangile a donc été un évangile de la non-circoncision en un double sens: il s’adressait aux incirconcis et il ne leur imposait pas la circoncision. Il s’opposait, au contraire, à ce qu’ils se fassent circoncire (cf. Ga 5,2-14).
En conclusion, il faut dire, d’abord, que Ga 1,6-7 ne se comprend correctement que si on y reconnaît l’expression ou)ka!llo ei) mh/, dans laquelle a!llo n’est aucunement pléonastique. Ajoutons ensuite qu’en conséquence, le texte de Paul n’exprime pas l’idée que l’autre évangile n’existe pas et encore moins qu’il n’y a pas deux sortes d’évangile. Loin de déclarer en Ga 1,6-7 qu’il ne peut y avoir deux formes légitimes de l’unique évangile, Paul qualifie de subversion de l’évangile du Christ la position des judaïsants qui voulaient précisément imposer à tous, aux païens comme aux Juifs, la même forme d’évangile. Dans la Lettre aux Galates, Paul défend dès le début sa façon particulière d’annoncer l’évangile aux païens; il s’oppose fermement à ce que les chrétiens venus des nations païennes soient contraints de s’assimiler aux Israélites. La mort et la résurrection du Christ les a libérés de cette exigence.